Historique local
		
		Pour situer l’apparition des assemblées de frères au Pays de Montbéliard, il faut remonter aux environs de 1820.
		
		J’ai cité tout à l’heure les piétistes (réunions de maison) : Il en existe une quinzaine au Pays de Montbéliard en 
		1820 (Montbéliard, Béthoncourt, Terre-Blanche et Colombier-Châtelot, pour les principaux).
		
		Voici un tableau qui montre le lieu de rassemblement des piétistes à Colombier-Châtelot : la Grange Bosserdet 
		ou "Grange du Réveil"
		
		Quelle est l'origine de ces piétistes ? On évoque l’influence des sermons de Jean-Frédéric Nardin qui appela les 
		protestants à se réveiller vers le début du XVIIIe siècle... Toujours est-il que ces piétistes se réunissent dans 
		les maisons et les granges tout en continuant d’aller au temple.
		
		Parallèlement, il s’installe, à Glay en 1822 un Institut protestant (dont les locaux existent encore : Centre de Glay), 
		fondé par le pasteur Henri Jaquet , originaire de Suisse. Celui-ci souhaite former des instituteurs qui soient en même 
		temps des évangélistes. Mais Jaquet donne du souci aux instances de l’église luthérienne pour 2 raisons :
		
		
			- Il célèbre chaque dimanche un culte au temple et un autre à l’Institut, avec ses élèves sans autorisation du Directoire.
 
			- Il visite régulièrement les piétistes, et tient des réunions d’évangélisation dans leurs locaux.
 
		
		
		En 1833, il est révoqué ce qui va marquer un tournant pour plusieurs groupes de piétistes : Ils se trouvent poussés vers
		la dissidence. De plus, certains élèves de Jaquet vont devenir des pionniers du mouvement des frères au Pays de Montbéliard
		ou ailleurs (Jean-Frédéric Vernier dans la Drôme ; Pierre Ménetrez  à Chalon; Frédéric Viénot, qui fera des allées et venues, 
		père de John Viénot, historien bien connu des protestants).
		
		1850 : C’est ce même Frédéric Viénot qui guidera John-Nelson Darby au Pays de Montbéliard (et dès lors vous comprenez pourquoi 
		quelques années plus tard, F Viénot appellera son fils John) .
		Une fois Darby passé, plusieurs groupes piétistes vont se rallier aux assemblées de frères : Sept ou huit au départ : 
		Montbéliard, Béthoncourt, Terre-Blanche, Colombier-Châtelot (150 personnes), mais aussi Beutal, Désandans, Lougres et 
		sans doute Longevelle.
		
		Deux assemblées se sont formées un peu plus tard :
		
		St Julien, en 1876, où un petit groupe de lecture de la Bible existait depuis le début, mais après l’arrivée de 
		Charles-Henry Tissot (de Béthoncourt) qui épouse Catherine Bainier (de St-Julien), une assemblée est formée.
		
		Valentigney en 1895, date à laquelle Joseph Rollet, originaire de Moffans construit un local de réunions en annexe 
		de sa maison à la rue du Doubs. Jusqu’en 1880, il habitait Moffans, mais il a dû quitter son village avec sa famille 
		pour 2 raisons :
		
		
			- Il fréquente l’assemblée de Béthoncourt : Il va chaque dimanche de Moffans à Béthoncourt à pied avec sa famille (5h de marche). 
			Pour être au culte à Béthoncourt à dix heures il fallait donc se lever à 4h du matin, et, en traversant la forêt, du côté 
			de Belverne, il n’était pas rare de se trouver nez à nez avec des loups.
			
 - Il est chahuté par les villageois qui, par exemple, ne voulaient plus lui vendre de quoi nourrir sa famille.
		
 
		
		Justement, comment les darbystes sont-ils perçus par leur entourage à cette époque ?
		
		
On dit que lors de sa visite à Colombier-Châtelot, Darby aurait été aspergé de purin par quelques excités…
		
		
Rapport de Pierre Surleau (1864) qui rend compte d’une enquête sur les darbystes au président du Consistoire, suite à une histoire
		assez dramatique s’étant produite à Longevelle : Lors d’un enterrement, les darbystes ont reçu " des cailloux, des insultes et même
		des coups de fouets " 
		
		Voici deux extraits (l’un positif, l’autre négatif) :
		
		
" Je n’ai que de bons renseignements sur ceux de Terre-Blanche. Un chef d’industrie m’a dit qu’ils sont polis et laborieux, que leur conduite est régulière, que ce sont les meilleurs ouvriers du pays. Je suis heureux de vous signaler cette honorable exception. Il convient de placer aussi dans la même catégorie la paroisse de Béthoncourt qui compte 40 darbystes dans son sein (hommes, femmes et enfants). Ils ont deux réunions chaque dimanche à 10 heures et à 2 heures. Tout se passe avec le plus grand ordre. Ils n’inquiètent personne et personne ne songe à les inquiéter. Leur conduite est régulière, ils sont serviables, ils ne travaillent pas le dimanche et ne fréquentent pas les cabarets. Lors d’une cérémonie funèbre, ils se joignent au convoi, mais ils s’abstiennent d’assister au service religieux fait à l’Église à cette occasion. Le nouveau Pasteur de Béthoncourt, Mr Abry, les a tous visités, et partout il a été bien accueilli. A St-Julien, à Désandans, au Vernoy, à Champey, à Montécheroux, à Villars lès Blamont, il n’y a pas non plus de désordre à déplorer. Ce sont ordinairement les néophytes qui font le plus de zèle et le plus de bruit dans les communes où ils vont s’établir. "
		
		" En fait de doctrine, les darbystes sont antinomiens, ils pensent être les seuls vrais chrétiens, ils sont assurés de leur salut, ils se permettent tout sans scrupules, ils se pardonnent tout, ils mettent sur le compte de la chair leurs faiblesses et leurs fautes, et disent que l’âme est innocente de leurs mauvaises œuvres. Ils ne s’inquiètent que médiocrement des choses de ce monde et ne travaillent que pour satisfaire les besoins les plus pressants. Ils traitent notre Église de grande prostituée, et tous les pasteurs, de quelque religion qu’ils soient, sont à leurs yeux des suppots de Satan. Voilà les idées courantes à Longevelle et à Lougres. "
		Il y avait donc aussi des excès (de langage) chez les darbystes… Notons que les assemblées de Longevelle et Lougres sont les 2 seules qui ont disparu depuis.
		
		Au niveau des autorités locales, et à part ces petits incidents de voisinage, la seule inquiétude provenait de la présence de nombreux prédicateurs suisses dans les assemblées. Il faut savoir qu'à cette époque, pour être pasteur en France, il fallait être de nationalité française (depuis le Concordat). On fit donc des enquêtes : comme les prédicateurs "darbystes" n’étaient pas vraiment pasteurs et qu’ils n’étaient pas rémunérés par l’état, on conclut qu’on pouvait bien les tolérer.
		
		-Le plus éminent fut Abraham Oulevay, originaire de Bavois en Suisse, installé à Béthoncourt, principal fondateur de l’assemblée de cet endroit (qui était la 2e en importance après Colombier, puisqu’une statistique de 1896 donne 80 darbystes, pour 891 hab).
		
		-D’autres se sont aussi installés, comme Louis Vierne (de Genève), à Montbéliard, mais beaucoup d’entre eux venaient occasionnellement donner des réunions jusqu’à la fin du XIXe, et même après 1900, cette habitude s’est poursuivie et d’ailleurs elle existe encore aujourd’hui.
		
		 Voici une photo de 1916 qui montre quelques frères suisses, sans doute réunis pour une étude biblique. Il y a là beaucoup de noms connus dans notre milieu pour être les auteurs de cantiques, de brochures : Samuel Prod’hom, Louis Poget-Junod en particulier. Également un français : Jacques Bosserdet (2e en bas à droite), de Colombier-Châtelot, qui fut une figure de proue des assemblées du début du XXe.
		 
		A propos de ces prédicateurs suisses, une petite anecdote : Il semble qu’ils n’apportaient pas seulement la bonne parole ; ils furent à l’origine du grand succès du dentiste Élie Dubois :
		
		Élie Dubois était le père de Paul-Élie Dubois (le peintre) :Membre de l’assemblée à Montbéliard, c'était un dentiste réputé (installé rue Viette), qui arrachait jusqu’à 100 dents par jour, car il avait la réputation d’ "arracher les dents sans douleur ". Quel était son secret ?
		
		Les frères de Suisse lui apportaient du protoxyde d’azote (tout nouveau à l'époque et pas encore commercialisé en France), le gaz hilarant aux vertus anesthésiantes…
		
		Puisqu’on est dans la famille Dubois, voici encore une toile de Paul-Élie Dubois :
		
		Cette toile est très abîmée, mais elle montre les sœurs lors d’une réunion à Colombier Châtelot. Ce  tableau est de 1910, mais on reconnaît la fenêtre de la salle de réunion toujours utilisée aujoud’hui.